Le 12 novembre 2019,

Ces deux jours d’échanges passionnants nous ont permis, encore une fois, de réaliser toute la puissance de la vague numérique et l’importance de la séquence qui s’ouvre devant nous.

Maintenant, plusieurs scénarios sont possibles.

Celui des Chinois, qui laissent, on le sait, peu de place à la liberté d’expression et de création. Le scénario Américain, qui s’écrit par les seules règles du marché.

Et enfin, le scénario de l’histoire que nous, les cinéastes français, voulons continuer à écrire, celui de l’exception culturelle qui propose aux spectateurs une offre cinématographique plurielle, qui ne nie pas le marché, mais qui affirme avec force sa portée politique au service du rayonnement des valeurs démocratiques que nous portons.

En première page de ce scénario, nous pourrions mettre en exergue deux phrases de nos présidents des rencontres :

« Il n’est pas envisageable de ne pas se battre pour défendre le modèle d’exception culturelle », dixit Jeanne Herry, et « faire des économies, c’est juste faire l’économie de la culture », dixit Cédric Klapisch

Que notre scénario commence donc. Des pages importantes du script se sont écrites ici, au cours de ces Rencontres. Concernant l’Audiovisuel public la quasi unanimité pour réaffirmer sa mission culturelle, la pérennité d’une redevance dédiée annoncée par le ministre Franck Riester, la confirmation d’un montant de 60 millions d’euros pour le cinéma de la part de France Télévisions, l’affirmation d’une pratique vertueuse du droit moral par le service public, l’indépendance de Salto dont les investissements ne sauraient être confondus avec les obligations des chaînes en clair, sont de bonnes séquences qui améliorent notre scénario. Rajoutons à cette bonne page un engagement d’Arte à ne pratiquer un replay de 90 jours qu’avec l’accord préalable de la profession. Mais si le principe d’une présence de deux créateurs au sein du directoire de la nouvelle holding se dessine comme une proposition forte, la crainte d’une inféodation de ses membres ainsi que le flou concernant le montant de la redevance audiovisuelle, nous inquiètent. Nous proposons une nouvelle séquence qui élargirait l’assiette à l’ensemble des foyers fiscaux, assiette plus large permettant de diminuer le montant de la redevance payé par le contribuable et qui permettrait d’augmenter les ressources du service public.

Dans la seconde partie du scénario, de belles scènes se sont écrites ici aussi. Celle de la confirmation de la neutralité technologique comme élément indissociable de la loi, la non mutualisation cinéma et audiovisuel, la réaffirmation par le ministre du droit moral et de l’indépendance de la production, l’impossibilité de rachat de catalogue d’œuvres françaises par un groupe étranger. Ces pages sont pour nous vitales pour la pérennité d’une loi qui se veut ambitieuse.

Quant à Netflix, il nous promet de participer à l’écriture de notre scénario en respectant le droit moral, en se pliant aux règles françaises, en ouvrant la porte à des négociations sur la durée des droits et sur la redéfinition du label Netflix original. Cela semble traduire une volonté de parvenir à un accord avec le cinéma. Jolie séquence en vérité, mais qui, à notre avis, demande à être relue. D’autre part, il est une séquence, que nous n’avons pas aimée, et sur laquelle nous n’avons pas été consultés, c’est celle qui met en scène la publicité pour le cinéma à la télévision. Mal écrite, sans garantie de salubrité concurrentielle, dommageable à l’ensemble du scénario, nous n’hésiterions pas à la supprimer.

Concernant le CNC, nous nous réjouissons que le nouveau président se présente comme un co-scénariste ambitieux, désireux d’écrire une nouvelle page qui prendrait pleinement en compte notre capacité à recréer du désir chez les jeunes spectateurs ainsi qu’un meilleur accès au cinéma dans toute sa diversité, cela passant par une véritable continuité dans l’exploitation. D’autre part, en réaffirmant le rôle central du couple auteur-producteur délégué, en sanctuarisant des ressources suffisantes pour le développement, autorisant la prise de risque vertueuse, et en améliorant la lisibilité des aides, il écrirait une page pleine de promesse.

Mais notre scénario est loin d’être terminé car, concernant la régulation des plates-formes, des choix définitifs doivent être faits. Le minimum garanti par abonné, qui nous paraît incontournable, simple et lisible, est toujours en balance avec le chiffre d’affaire qui, lui nécessiterait beaucoup d’effet spéciaux et de cascades. Et l’évaluation par visionnage, qui nous paraît très flou est toujours d’actualité.

Cette séquence est cruciale et fragiliserait considérablement l’ensemble si elle se révélait trop faible. Lisibilité et audace doivent être les maitres mots qui doivent prévaloir pour garantir à cette histoire la force et l’ambition nécessaire à l’heure de ce tournant majeur que représente la première grande loi européenne sur la régulation des plates-formes.

Terminons par ce qui fait parfois la magie du cinéma : le désir, le climax, une fin heureuse ! En l’espèce, dans le débat « désir de cinéma », faire tomber pour la jeunesse les barrières sociales et culturelles invisibles, recréer du désir à travers des rencontres empathiques enthousiasmantes, voilà de quoi écrire les plus pages de demain !

Nous remercions les intervenants qui ont participé à l’écriture de ce scénario au cours de débats riches en idées constructives, ainsi que l’ensemble des participants qui ont témoigné, par leurs échanges, de l’énergie positive qui anime aujourd’hui notre secteur, ainsi que l’ensemble de nos partenaires, sans qui l’aventure des Rencontres de L’ARP serait impossible. Et nous remercions chaleureusement le ministre de la culture Franck Riester pour l’esprit ambitieux qu’il veut insuffler à la loi et au président du CNC Dominique Boutonnat pour son allant et sa modernité.