Le 11 juin 2019,

Les Cinéastes de L’ARP ont pris connaissance du rapport porté par Dominique Boutonnat sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles.

Les Cinéastes de L’ARP saluent toutes les démarches actuellement entreprises pour moderniser notre régulation à l’ère numérique : nous sommes convaincus qu’une réforme est évidemment nécessaire. C’est tout le sens des initiatives entreprises par les Cinéastes de L’ARP à travers, notamment, des cercles de réflexion réunis régulièrement depuis plusieurs semaines, avec des personnalités très diverses, et qui feront l’objet de propositions concrètes et innovantes dans le cadre de la prochaine loi.

Plusieurs constats sont tout à fait justes – notamment les méfaits d’une tendance inflationniste du nombre de films produits alors que les financements sont en baisse, et certaines recommandations formulées par le rapport sont absolument essentielles : renforcement de la transparence au sein de la filière, redéfinition des missions du CNC et de sa gouvernance – tout en gardant son indépendance et en pérennisant son financement sans aucun plafonnement – et mise en place d’un fonds pour soutenir les initiatives innovantes au sein du secteur.

Néanmoins, la remise en cause du préfinancement est un grave retour en arrière que nous ne pouvons tolérer : ce préfinancement est au cœur de notre régulation et a permis à la France d’être le seul véritable concurrent cinématographique des Etats-Unis. Sans ce principe clé, c’est la diversité culturelle qui est clairement menacée. De même, la question de l’industrialisation des sociétés de production qui devraient se rapprocher de groupes, créant ainsi un effet de concentration très « à l’américaine », serait tout aussi dommageable pour l’indépendance et la diversité des œuvres. Le cinéma est certes une industrie, mais la force et la spécificité de la France, c’est de ne pas le considérer uniquement comme une industrie ! Par ailleurs, le rapport entretient avec insistance l’ambiguïté entre œuvres audiovisuelles et cinématographiques : toute mutualisation du fond de soutien ou des obligations signifierait l’extinction du cinéma indépendant français, européen et mondial, largement financé et exposé grâce à la France et à sa régulation, garde-fou culturel et démocratique vital à l’heure de la montée des populismes. Enfin, si de nombreuses évolutions sont souhaitables pour la chronologie des médias (nous prônons par exemple l’intégration du principe clé de neutralité technologique), une remise en cause de son principe même et de son existence menacerait gravement le financement et l’exposition des œuvres.

Toute proposition qui aurait pour conséquence d’annihiler notre diversité culturelle doit être fermement combattue : plus que jamais, notre souveraineté culturelle, la liberté des créateurs, la vivacité de nos industries culturelles ont besoin d’une régulation forte et adaptée aux nouveaux usages et modèles économiques. A la veille du prochain projet de loi audiovisuelle, et plus que jamais, il est urgent d’affirmer, ensemble, une conviction de politique culturelle qui dépasse les intérêts particuliers. Notre responsabilité collective est immense, au service des spectateurs, des citoyens, de la jeunesse et des créateurs de demain.